La fin du géoblocage et la portabilité des services numériques dans l’Union européenne

Des vacances à meilleur prix et ses séries préférées à portée de main

Analyse Dans le prolongement de sa stratégie pour un marché unique numérique, le législateur européen a adopté ce 27 février 2018 le Règlement 2018/302 visant à supprimer les obstacles au commerce électronique en interdisant le blocage géographique ou « géoblocage » injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients. Ce Règlement est entré en vigueur ce 22 mars et sera applicable dès le 4 décembre 2018.

Nous vous annoncions dans une précédente publication l’adoption du Règlement 2017/1128 relatif à la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne dans le marché intérieur ayant pour objectif d’étendre la portabilité des services de médias en ligne et de rendre accessible le contenu numérique dans un état membre différent de celui où il a été acquis. 

Les deux règlements précités signent une avancée importante pour le consommateur qui se voit désormais offrir un champ des possibilités élargi. Ces nouvelles règles ne visent pourtant pas la même chose. Nous vous décrivons brièvement ci-dessous les matières concernées et leurs conséquences pour le consommateur.

1. La fin du géoblocage et autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement

Selon les chiffres de l’Union européenne, seuls 15 % des européens achèteraient dans des boutiques en ligne situées dans un autre état membre. L’une des raisons avancées est la restriction géographique pratiquées par certains commerçants. 

Selon cette pratique, les consommateurs désireux d’accéder à des produits et services logés sur un site internet d’un autre état membre, peuvent se voir limiter voire refuser l’accès audit site ou encore interdire l’achat du seul fait de leur lieu de connexion ou de la méthode de paiement utilisée.

En effet, nombreux sont les cas où les personnes qui ont essayé d’acheter un bien sur un site internet étranger se sont vues renvoyer vers le site marchand belge de la même marque, lequel proposait une tout autre gamme de produits que celle souhaitée. D’autres se sont vus refusé leur moyen de paiement en raison de l’utilisation d’une carte de crédit émanant d’un autre état membre, par exemple, ou encore, ont été empêchés de se connecter au site étranger car résidant étranger ou du fait de leur lieu de connexion.

Le Règlement 2018/302 lève ces obstacles en imposant aux professionnels d’offrir un accès identique à leurs produits et services à tous les citoyens européens, indépendamment de leur lieu de connexion dans les trois cas suivants : 

  1. Lorsque les biens vendus par le professionnel sont livrés dans un état membre vers lequel la livraison est proposée par le professionnel ou sont récupérés en un lieu défini d'un commun accord avec le client (avec comme conséquence que l’acheteur devra, par exemple, récupérer un bien acheté à une adresse dans l’état membre du vendeur ou à une location que le vendeur et l’acheteur ont convenue) ;
  2. Lorsque le professionnel propose des services fournis par voie électronique, comme des services d'informatique en nuage, des services de stockage de données, l'hébergement de sites et la mise en place de pare-feu et lors duquel il n’y a pas lieu de livraison physique ;
  3. Lorsque le professionnel offre des services en ligne, tels que l'hébergement hôtelier, les manifestations sportives, la location de voiture ou la billetterie des festivals de musique ou des parcs de loisirs, qui doivent être réceptionnés par le client dans le pays dans lequel le professionnel exerce ses activités qui est différent de celui de l’acheteur.

Attention, ces règles n’emportent pas pour le professionnel l’obligation d’harmoniser ses prix. Au contraire, le commerçant est libre de proposer des conditions générales et des prix différents sur ses différents sites internet. Il reviendra au consommateur averti désirant réserver des vacances via une agence de voyage en ligne, par exemple, de se prêter au jeu des comparaisons en surfant d’un site internet à un autre afin de trouver les meilleurs prix.

Mentionnons aussi que ce texte de loi ne s’applique pas à tous les services en ligne. Les boutiques en ligne ne seront pas tenues de livrer des biens à des clients en dehors de l’état membre pour lequel elles proposent une livraison.

Ne sont pas non plus visés, les contenus numériques qui sont protégés par les droits d’auteur comme les services d’écoute de musique en ligne, les e-books et les films à la demande. Ce qui signifie qu’en tant que résidant belge il ne vous sera pas possible d’avoir accès à des offres ou au contenu que Spotify ou Netflix réservent à ses abonnés français par exemple. La Commission européenne se penchera toutefois sur la possibilité d’inclure ces contenus au règlement.

Enfin, les professionnels actifs dans le cadre de services dans l’intérêt publique, comme les services financiers, de transport, les services de soins de santé et sociaux, gardent la possibilité d’en limiter l’accès.

2. La portabilité des services numériques dans l'ensemble de l'Union européenne

Dans l’entretemps, à partir de ce 1er avril 2018, les consommateurs qui ont payé pour des services numériques dans leur pays d'origine pourrons y avoir accès lorsqu'ils se rendent dans un autre état membre. 

Concrètement, si un consommateur belge s'abonne à un service de distribution en ligne de films et de séries tel que Netflix, il pourra accéder aux films et séries disponibles en Belgique lorsqu'il part en vacances en Croatie ou en voyage d'affaires au Danemark, sans restriction possible et sans frais. 

En revanche, cela ne vaut pas pour les services de contenu en ligne fournis gratuitement. En effet, les fournisseurs de contenus gratuits pourront faire le choix de proposer ou non la portabilité de leur contenu.

Les fournisseurs de contenus gratuits pourront faire le choix de proposer ou non la portabilité de leur contenu

En toute hypothèse, lorsque le fournisseur doit ou fait le choix de proposer la portabilité de ses contenus, il devra vérifier l’état membre de résidence des abonnés à partir d'informations telles que les coordonnées de paiement, le versement d'une redevance audiovisuelle, l'existence d'un contrat d'abonnement téléphonique ou internet, des contrôles d'adresse IP ou la déclaration d'adresse de l'abonné, et ce, conformément aux règles relatives à la protection des données. Si l'abonné ne peut attester de son état membre de résidence, le fournisseur sera autorisé à mettre fin à l'accès au service en ligne. A titre d’exception, les titulaires d'un droit d'auteur pourront autoriser l'utilisation de leur contenu sans être obligés de vérifier le lieu de résidence de l'abonné.

Nous attirons également votre attention sur le fait que la portabilité, n’est prévue que pour les séjours temporaires. Comme mentionné ci-dessus, ces nouvelles règles ne vous permettent pas, en tant que résidant belge d’avoir accès ou de vous abonner aux contenus réservés aux résidents d’un autre état membre.