Loi sur les baux commerciaux contrôlée par la Cour Constitutionnelle

Équilibre entre la protection du fonds de commerce et la protection du droit de propriété du bailleur;protection du fonds de commerce

Case Dans deux arrêts récents, la Cour constitutionnelle a confirmé que le propriétaire-bailleur ne peut refuser le renouvellement d’un bail que dans certaines conditions.

Ainsi la Cour respecte l’intention du législateur de garantir une certaine stabilité et une continuité à un commerçant qui loue un immeuble pour ses activités commerciales. 

Dans cet article sur la loi sur les baux commerciaux, nous examinerons brièvement deux aspects dont un bailleur se doit de tenir compte dans un bail commercial, à savoir la transmission du bien loué et le droit au renouvellement du bail.

1. Transmission du bien loué 

Lors de la transmission d’un bail commercial, le nouvel acquéreur-propriétaire ne peut pas refuser purement et simplement le renouvellement du bail au preneur initial. 

Dans l’article 16 de la loi sur les baux commerciaux, le législateur prévoit une énumération stricte des motifs de congé. 

Dans un arrêt du 27 mars 2014, la Cour Constitutionnelle se demande si une personne morale-acquéreur peut expulser le preneur d’un bail commercial d’un immeuble en faveur d’une association de fait avec lesquelles l’acquéreur a des « liens étroits ». 

Jusqu’à présent, le législateur prévoit à l’article 12, qui s’en réfère à l’article 16, 1° de la loi sur les baux commerciaux, la possibilité pour une personne physique-acquéreur de refuser le renouvellement du bail à un preneur existant s’il existe un « lien de parenté » entre le nouvel acquéreur et la personne physique ou les associés de la société de personnes en faveur duquel le bail est résilié.  

Le Tribunal de première instance de Malines constate que la loi sur les baux commerciaux ne prévoit pas la même possibilité pour le preneur qui est une personne morale et qui veut faire occuper le bien par une autre personne morale ou par une association de fait avec laquelle il a des « liens étroit ».

Dans cet arrêt, la Cour Constitutionnelle a décidé que l’article 12 la loi sur les baux commerciaux ne constitue pas une discrimination. Selon la Cour, le législateur pouvait raisonnablement considérer qu’une possibilité de résiliation en faveur d’associations de fait avec lesquelles l’acquéreur aurait d’une manière ou d’une autre un « lien étroit » pourrait donner lieu à des abus - en effet, une association de fait n’a pas la personnalité juridique et elle peut en tout temps être constituée de manière informelle - et porter atteinte à l’objectif poursuivi quant à la protection du fonds de commerce. 

2. Pas de « droit au » renouvellement pur et simple du bail

Selon une règle de droit commun, le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été conclu par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé (article 1737 CC). Contrairement à la loi sur les baux à ferme ou la loi sur les loyers, le législateur n’a pas prévu le renouvellement automatique du bail commercial.

En revanche, l’article 13 de la loi sur les baux commerciaux accorde au preneur un droit de préférence pour demander au bailleur le renouvellement du bail en cours. 

Aux termes de l’article 14 de la loi sur les baux commerciaux, le preneur désireux d'exercer le droit au renouvellement doit, à peine de déchéance, le notifier au bailleur par exploit (d'huissier de justice) ou par lettre recommandée dix-huit mois au plus, quinze mois au moins, avant l'expiration du bail en cours. Cette notification doit répondre à certaines conditions expresses, et il est préférable que le bailleur et le preneur élaborent entre eux un règlement.

Ce même article 14 prévoit également que  si le preneur est, après l'expiration du bail, laissé en possession des lieux loués, il s'opère un nouveau bail d'une durée indéterminée. 

Dans un arrêt du 22 mai 2014, la Cour Constitutionnelle a dû se prononcer sur la question si ces deux articles de la loi sur les baux commerciaux, combinés avec l’article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (1 PP-CEDH), constituent une discrimination injustifiée des obligations des preneurs par rapport aux bailleurs, et sur la question de savoir si le régime de la loi sur les baux commerciaux n’est pas trop rigide sur ce point par rapport à la Loi sur les baux à ferme ou la loi sur les loyers.  

La Cour maintient le régime actuel et suit ainsi la position du Conseil des ministres et les travaux préparatoires du Parlement relatifs à la loi sur les baux commerciaux. 

D’une part, le législateur entendait assurer une certaine stabilité au preneur d’un fonds de commerce pour donner à ce preneur commerçant des garanties de durée et d’initiative, et lui assurer le renouvellement du bail quand le propriétaire n’a pas de raisons fondées de disposer autrement des lieux. 

D’autre part, l’on ne peut pas davantage grever la propriété du bailleur, sur la base d’une prolongation automatique du bail commercial, d’une servitude permanente de propriété commerciale du preneur. 

Le tribunal de commerce de Tongres s’en réfère à cet égard au 1 PP-CEDH qui garantit le droit fondamental de la protection de la propriété. 

Le problème est que tant le propriétaire-bailleur que le preneur ayant un fonds de commerce, peuvent se prévaloir d’un droit de propriété subjectif. L’intérêt du preneur consiste en la possibilité de poursuivre l’exploitation de son fonds de commerce, lequel doit être considéré comme un bien au sens de l’article 1 PP-CEDH. L’intérêt du bailleur comprend le libre usage de son bien au sens de la disposition conventionnelle précitée et en vertu de l’article 544 CC. 

D’autre part, cette protection du fonds de commerce n’est pas absolue. Le bailleur-propriétaire peut refuser le renouvellement du bail si le preneur reste en défaut de notifier son intention au bailleur en temps opportun

Dans cet arrêt, la Cour Constitutionnelle a décidé que le législateur n’a pas excédé sa marge d’appréciation en imposant aux opérateurs économiques une attention particulière et la notification, dans les délais impartis, de leur volonté de renouveler le bail. 

3. Conclusion 

La loi sur les baux commerciaux comprend certaines dispositions spécifiques de droit impératif qui sont réputées essentielles pour la stabilité et la continuité des activités commerciales du commerçant-preneur. 

Le propriétaire-bailleur ne peut refuser le renouvellement du bail que dans certaines conditions. Par ses deux arrêts, la Cour Constitutionnelle a une nouvelle fois confirmé cet objectif du législateur. 

D’une part, suite à la loi sur les baux commerciaux, la possibilité de résiliation ne peut être élargie en faveur d’une association de fait avec laquelle le propriétaire-acquéreur aurait un “lien étroit”, ce qui protège le fonds de commerce du commerçant-preneur. 

D’autre part, cette protection du fonds de commerce n’est pas absolue. Le bailleur-propriétaire peut refuser le renouvellement du bail si le preneur reste en défaut de notifier son intention au bailleur en temps opportun. 

Le preneur dispose déjà du droit d’obtenir, en cas d’inaction du bailleur-propriétaire en  laissant le preneur en possession des lieux loués, un nouveau bail d'une durée indéterminée. Or, le bailleur-propriétaire pourra y mettre fin moyennant un congé de dix-huit mois.  

Il va de soi que le bailleur peut toujours s’opposer au renouvellement demandé et exercer son droit de reprendre les lieux loués, moyennant versement au preneur d'une indemnité d'éviction.

 

 

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Alain De Jonge

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