La nouvelle loi sur les sûretés globalement

News A une date qui reste à préciser par Arrêté Royal, mais au plus tard le 1ier décembre 2014, le régime des sûretés réelles mobilières sera fondamentalement réformé et ce, par l’entrée en vigueur de la loi (procédurale) du 24 juin 2013 et de la loi du 11 juillet 2013.

Cette dernière loi introduit le nouveau titre XVII dans le Code Civil (ci-après « C.C. »), intitulé « sûretés réelles mobilières » (ci-après la « Loi sur les sûretés mobilières » ou la « Loi »).  Au moyen de cette loi, le législateur instaure un droit de gage uniforme : ainsi, entre autres le gage sur fonds de commerce et le privilège agricole sont abrogés.  

Au lieu de cela, un droit de gage sans possession sur biens mobiliers devient possible.  Ces réformes visent à faire mieux correspondre le droit de gage aux les besoins économiques de la pratique, à le rendre plus attrayant et à permettre une simplification du régime à présent plutôt complexe en matière de sûretés mobilières.

Ci-dessous, vous trouverez une synthèse succincte et pratique des principaux éléments du nouveau règlement pour sûretés réelles mobilières.  

1. Vers un droit de gage sans possession sur biens mobiliers

La nouveauté la plus importante de la réforme qui s’annonce est sans aucun doute l’abrogation de l’exigence de la dépossession du bien mis en gage comme élément constitutif de la constitution de gage.

Abrogation de l’exigence de la dépossession du bien mis en gage comme élément constitutif de la constitution de gage

La Loi sur les sûretés réelles confirme à présent que le droit de gage naît par la convention entre le constituant du gage et le détenteur du gage, sauf dans le cas où le constituant du gage est un consommateur.  Dans pareil cas, un écrit demeure requis pour créer un gage valable.  Le constituant du gage-débiteur conserve donc les biens et peut continuer à les utiliser pour y puiser des revenus.  

Il convient de relever à cet égard, par souci de complétude, qu’outre le gage sans possession, la possibilité d’un gage « classique » (avec dépossession) est maintenue.

Avec la généralisation du droit de gage sans possession disparaît aussi la nécessité d’une réglementation particulière concernant la mise en gage d’un fonds de commerce et le privilège agricole.  La loi du 25 octobre 1919 concernant la mise en gage d’un fonds de commerce, l’escompte et la mise en gage d’une facture, ainsi que l’acceptation et l’inspection des livraisons faites directement pour la consommation (ci-après la « Loi sur la Mise en gage du fonds de commerce) offre, jusqu’ici, la possibilité d’une mise en gage universelle et sans possession du fonds de commerce. Cette loi sera remplacée par la nouvelle "Loi". La restriction existante, par laquelle un fonds de commerce ne peut être mis en gage qu’en faveur d’un établissement de crédit de l’UE disparaît sous la nouvelle loi sur les sûretés mobilières. La réglementation spécifique autour du privilège agricole est elle aussi abrogée.

Un développement additionnel important concerne l’abrogation de la distinction traditionnelle (et en majeure partie dépassée) entre le gage civil et le gage commercial.  Le législateur belge opte dorénavant pour un certain nombre de règles d’exception, à l’intérieur desquelles le constituant du gage-consommateur bénéficie d’une protection supplémentaire. La loi sur les sûretés mobilières renvoie à cet égard à la notion de « consommateur » dans le sens de la loi sur les pratiques du marché et la protection des consommateurs. Le « consommateur » est défini comme suit: « toute personne physique qui acquiert ou utilise des produits mis sur le  marché exclusivement pour des fins non professionnelles ». Lorsqu’un constituant de gage est donc une personne physique qui donne en gage un bien exclusivement pour des fins non professionnelles (la réponse à la question de savoir si la mise en gage s’inscrit oui ou non dans le cadre de l’activité professionnelle du constituant du gage est donc décisive), la convention de gage sans dépossession peut uniquement être conclue par écrit.  En plus, la valeur des biens mis en gage peut être au maximum le double de l’import du droit de gage.  Le droit de gage s’étend à la somme principale de la créance garantie et aux accessoires, tels que les intérêts, la clause pénale et les frais d’éviction.  Les accessoires ne doivent par ailleurs pas être supérieurs à 50% de la somme principale, sinon ils ne sont pas garantis par le droit de gage.  Enfin, le détenteur du gage ne peut faire vendre les biens du constituant de gage-consommateur que moyennant une intervention préalable du juge.

Tous les biens meubles peuvent être donnés en gage, tant les biens corporels que les biens incorporels, ainsi qu’un ensemble de pareils biens (par exemple le fonds de commerce).  Les biens futurs peuvent eux aussi faire l’objet d’un droit de gage.  En plus, un gage peut tenir lieu de sûreté de créances actuelles et futures si ces dernières sont déterminées ou déterminables.

2.  Création d’un registre national des gages

Comme le gage n’exige plus nécessairement une dépossession, le gage (sans possession) devra (dorénavant) être enregistré dans un registre national des gages qui sera géré par le service des hypothèques de l’administration générale de la documentation patrimoniale du Service Public Fédéral Finances.  Le nouveau droit de gage est opposable à des tiers et prend rang à partir du moment de l’inscription dans le registre national des gages.  Le registre des gages adoptera la forme d’une banque de données informatisée qui sera disponible et pourra être consultée en ligne.  L’enregistrement du gage, qui est valable pour un délai renouvelable de maximum 10 ans, exige la mention d’une série de données fixées par la loi.

Comme déjà indiqué plus haut, la possibilité d’un gage « classique» avec dépossession demeure possible. Dans pareil cas, la dépossession demeure un mode de travail possible pour réaliser l’opposabilité à des tiers. A l’avenir, on pourra donc choisir entre le gage avec dépossession ou le gage sans possession.

3.  Reconnaissance de la figure d’une fiducie-sûreté

La pratique de financement bancaire a fait naître la nécessité de pouvoir garder une sûreté pour le compte d’un autre (généralement un groupe de donneurs de crédit), par laquelle les bénéficiaires sont valablement représentés, vis-à-vis du constituant du gage, par une seule partie dite « l’agent de garantie ».  La figure de l’agent de garantie a déjà été instaurée dans le droit belge via la loi sur les sûretés financières, mais uniquement pour les conventions de sûreté réelle à l’intérieur du champ d’application de la Loi sur les sûretés financières.  La loi sur les sûretés mobilières confirme maintenant de manière générale que les conventions de gage concernant des biens meubles qui sont conclues par un représentant pour le compte d’un ou plusieurs bénéficiaires sont valables et opposables à des tiers lorsque l’identité des bénéficiaires peut être constatée à l’aide de la convention de gage.  Ce représentant peut exercer tous les droits qui reviennent normalement au détenteur du gage et sera, sauf convention dérogatoire, solidairement responsable avec les bénéficiaires.  Le parallèle avec la Loi sur les sûretés mobilières est clair.

4. Nouvelles règles en matière d’éviction

L’éviction de droits de gage est fort simplifiée lorsqu'il s'agit de constituants de gage qui ne sont pas consommateur.  En cas de non-paiement par le débiteur, il devient possible, pour le créancier gagiste, de disposer du bien grevé moyennant la notification préalable de l’intention d’éviction.  Cette notification fait courir un délai d’attente de dix jours en principe.  

L’éviction doit toujours être réalisée de bonne foi et d’une manière économiquement justifiée.  L’intervention préalable du juge des saisies compétent est possible sur requête du détenteur du gage, du constituant du gage ou d’un tiers intéressé.  En plus, il y a également la possibilité de contrôle a posteriori par le juge des modalités de réalisation de l’éviction et de l’affectation du produit.  Enfin, la Loi sur les sûretés mobilières prévoit également la possibilité d’appropriation des biens par le détenteur du gage moyennant l’accord entre les parties.

Si le constituant du gage est un consommateur, les règles sont plus strictes. En cas de non-paiement par le constituant du gage-consommateur, le détenteur du gage ne peut pas disposer sans plus du gage ; une intervention du juge est nécessaire.  Pour les consommateurs-constituants de gage, la valeur du bien mis en gage ne doit pas être supérieure au double de la créance garantie.

5. Réserve de propriété et droit de rétention

La réforme du droit de gage est complétée de dispositions nouvelles en matière de « réserve de propriété » et de « droit de rétention ». La réserve de propriété, pour laquelle, jusqu’à présent, seul un règlement légal était prévu dans le droit de la faillite et qui, dès lors, était seulement opposable en cas de faillite, est transférée au Code Civil.  De ce fait, la réserve de propriété devient une sûreté à part entière qui est opposable dans tous les cas de concours et donc non seulement en cas de faillite.  Outre cela, un règlement général légal est prévu à présent en matière du droit de rétention, ce qui n’était pas le cas avant.  Les mêmes conséquences sont liées au droit de rétention qu’au droit de gage.

6. Entrée en vigueur

Ainsi qu’il a déjà été dit ci-avant, le moment précis d’entrée en vigueur de la Loi sur les sûretés mobilières est encore incertain.  Cette loi entrera en vigueur à une date restant à fixer par Arrêté Royal, mais au plus tard le 1ier décembre 2014.

En ce qui concerne l’entrée en vigueur et les dispositions transitoires, il est renvoyé, pour plus d’explications, à notre article paru précédemment qui peut être consulté en cliquant ici.

 

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